L’ÈRE DU CIRCUIT D’ENTRAÎNEMENT SPÉCIFIQUE ET INTÉGRÉ

(avec l’aimable crédit de la revue lespritdujudo.com. Chronique parue dans l’EDJ 92)

UN ENRICHISSEMENT DE NOS PRATIQUES
On connaît la séance de judo traditionnelle, le programme de musculation et le footing. Mais il y a peut-être d’autres façons de travailler. Et si on passait au circuit d’entraînement intégré ?

Au fil des ans, l’observation et l’expérience mettent le jeune entraîneur face à quelques évidences. Commençons par celle-ci : l’entraînement d’une qualité ou d’une habileté de manière isolée, ne nous mène pas à un résultat significatif. La complexité de notre activité ne peut-être réduite a la compréhension d’un seul domaine.

Bien sûr l’amélioration de la puissance ou de l’endurance, par exemple, est toujours intéressante à envisager… à condition que l’utilisation de ce gain de puissance ou de cette endurance reste (ou devienne) pertinente.

Ce qui suppose pour le professeur ou l’entraîneur, un effort permanent dans l’élaboration des contenus de ses séances, dans la programmation de l’entraînement, afin que soit maintenu un équilibre savant entre le développement et l’utilisation des qualités physiques, des habiletés techniques, des compétences tactiques.

Or dans l’entraînement, le facteurs temps est une donnée contraignante et incontournable. Voici la seconde évidence : L’entraînement est très « chronophage », on ne peut pas tout faire, ni tout faire en même temps, un footing le matin, une séance musculaire le midi et un entraînement technique le soir.

Par conséquent, lorsqu’on consacre trop de temps à développer une seule qualité (la force par exemple), ce sera forcément au détriment du perfectionnement technique ou de l’intelligence tactique. Cette évidence saute aux yeux lorsqu’on travaille avec les jeunes judokas (des benjamins jusqu’aux juniors), pour lesquels les acquisitions techniques et tactiques ne sont pas encore très stables.

Quelle est la difficulté?

Sous un ergomètre ou une barre de musculation, on se concentre et lorsqu’on est prêt, on lâche les chevaux, on libère son énergie pour produire un mouvement puissant, mais simple. La préparation, la prise de décision, la coordination du mouvement et son « pilotage » sont considérablement moins élaborés que lors d’une projection de judo, qu’il s’agisse d’une situation de combat ou même d’un nage-komi. Prendre la mauvaise habitude d’utiliser sa puissance avec le niveau de maîtrise qui suffit pour pousser une barre… va vous envoyer à coup sur dans le mur, ou plutôt dans le vide face a un adversaire expérimenté et plus maître de lui. C’est que, en judo, l’instant de cette concentration + libération explosive de l’énergie dans l’action, dépend avant tout d’informations en provenance de l’adversaire – partenaire, y compris en nage-komi.

La perception de son mouvement ou de sa réaction, le déclenchement de votre action, le pilotage et la continuité de vos mouvements sont donc des opérations étroitement imbriquées. 

Comment, alors, favoriser une intégration des spécificités du judo dans le perfectionnement et l’entraînement ?

Voici la troisième évidence, qui découle de la seconde : il faut non seulement complexifier, mais aussi optimiser l’entraînement. C’est-à-dire rendre plus efficace les procédures de travail, mettre en place des séances qui tendent à l’amélioration de la performance globale tout en minimisant le temps consacré à l’entraînement. Ce dernier point prend toute son importance dans l’entraînement des enfants et des adolescents. En effet la croissance est une source importante de perturbations physiologiques qu’il convient de ne pas trop accentuer par un entraînement inadapté en durée et en intensité, et, d’autre part, la scolarité du jeune judoka impose des contraintes qui diminuent le temps alloué à la pratique du judo. Dans cette situation, la recherche d’une intégration, au sein d’une même séance d’entraînement de différentes facettes de l’activité judo qui fonctionnent ensemble s’inscrit bien dans une démarche d’optimisation de l’entraînement. 

Parmi ces facettes, on retrouve évidemment les habiletés techniques et les qualités physiques qui sont classiquement travaillées lors de séances distinctes. Ces deux aspects sont pourtant étroitement combinés : être capable de prendre l’opportunité, pour Tori, s’appuie sur sa capacité à créer une rupture de l’état d’équilibre du couple qu’il forme avec Uke. Cette rupture s’obtient par la maîtrise technique, par les qualités physiques du judoka. L’association à l’entraînement de ces deux facteurs de performance, si elle est bien menée, aboutit à la construction d’une motricité élaborée d’une très grande efficacité. 

L’intérêt des Circuit d’entraînement intégré en judo

Le circuit d’entraînement ou “circuit-training” est une forme de travail qui repose sur l’enchaînement d’exercices spécifiques au judo, avec ou sans temps de repos, avec une alternance travail/récupération spécifique à un objectif de préparation physique. Le circuit d’entraînement offre une grande flexibilité puisque la plupart des exercices répertoriés dans l’entraînement du judo peuvent être intégrés à un circuit et ce, avec une alternance travail/récupération très modulable en fonction des objectifs. Il ne s’agit pas que ces circuits se substituent entièrement aux séances traditionnelles, qui sont essentielles, mais ils peuvent les intégrer ou les compléter.

Pour mieux saisir l’intérêt des circuits d’entraînement intégré, il est important de rappeler que l’amélioration des paramètres de force, vitesse et endurance par ce moyen sera spécifique à l’exercice « judo » mis en place à l’entraînement. Ce n’est pas parce que le jeune judoka augmente sa force au développer-coucher qu’il sera plus efficace dans ses attaques lors d’un combat. En revanche, si ce même judoka devient plus puissant sur son “spécial” travaillé spécifiquement dans des circuits, il prend une option sur la victoire. 

Mais les circuits d’entraînement n’ont pas uniquement pour but de développer les facteurs musculaires ou cardio-vasculaires de la performance, leur utilisation vise également à augmenter le temps consacré à l’acquisition des habiletés techniques ! En effet, ces dernières seront travaillées même au cours des séquences d’entraînement dédiées classiquement au développement du potentiel physique du jeune judoka. Les circuits d’entraînement offrent donc l’avantage d’améliorer simultanément les paramètres techniques et physiques, de préserver une cohérence dans l’évolution de ces deux facteurs et de gagner du temps sur le temps. Cela peut surtout éviter la fausse route tragique d’avoir contribué à bâtir, par les heures consacrées à l’entraînement physique, des judokas très puissants, mais incapable d’utiliser cette puissance dans une technique correcte.

La matrice ou comment élaborer ces circuits d’entraînement intégrés?

Le premier circuit présenté ici est ce que j’appelle une matrice. C’est une base de départ, à mi chemin entre apprentissage, perfectionnement et entraînement des qualités physiques et des habiletés techniques fondamentales, particulièrement adaptée à un public jeune. Dès les premières séances, certains éléments du contexte, des situations de combat sont déjà présents, par exemple le mouvement du corps du partenaire, le rythme…

À partir de ce socle de mouvements et de situations choisis en cohérence avec l’observation et l’analyse de l’activité, le contenu des circuits pourra rapidement se complexifier :

  • En introduisant des exigences « bio-informationnelles » : mouvement du partenaire, déplacements, réactions, feintes…
  • En proposant des thèmes tactiques variés, couplés à la répétition des exercices : kumikata + enchaînements, kumikata + combinaisons, kumi kata + variations de distance et de rythme…
  • En couplant des séquences tactiques courtes (5s, 10s, 15s, 20s, 25s, 30s) avec les exercices précédents…

La richesse et les possibilités sont presque infinies. Et cela d’autant plus que l’on va s’inscrire dans l’idée du développement à long terme du judoka. Répétons-le (comme une évidence) : cette approche est très pertinente avec les jeunes athlètes judokas. 

  • Elle part de l’idée qu’on ne peut pas se contenter de copier ce que font les champions, les athlètes seniors déjà très expérimentés (même si c’est une référence importante à connaître)
  • Elle accorde une grande attention à l’analyse de l’activité, à partir de laquelle on sait identifier et comprendre les principes et les éléments clés à développer pour devenir compétent en judo
  • Elle favorise et augmente souvent la motivation des jeunes judokas quel que soit leur projet de pratique, en s’intéressant aussi bien aux buts d’amélioration, la coordination par exemple, que de comparaison, car les circuits sont aussi de petits défis amusants et compétitifs
  • Elle stimule la réflexion et la créativité du professeur et de l’entraîneur qui doivent renouveler, diversifier les exercices et les situations composants les circuits
  • Elle peut être utilisée par deux partenaires motivés à (re)faire ensemble une séance utile, et même être pratiquée seul, avec des élastiques pour les uchi-komi. C’est une idée à creuser en ces temps de covid !

Exemple d’un circuit d’entraînement intégré,
au niveau du perfectionnement
(avec des benjamins et minimes par exemple)

Chaque exercice du circuit présenté ci-dessous doit être réalisé avec qualité et avec le plus grand investissement cognitif possible. L’ordre des exercices est modifiable ainsi que les temps de travail et de récupération. Au départ l’option 30s/30s permet de se familiariser avec les exercices, et de modérer l’intensité pour tous les types de public. Le nombre de répétitions en fonction du temps de travail sera déterminé ultérieurement par le professeur qui observera de la capacité de son groupe et les réalisations de chacun de ses élèves. Il est essentiel que les mouvements soient maintenus dans leur qualité, pour que la méthode des circuits d’entrainement spécifique et intégré soit vraiment profitable aux jeunes athlètes judokas.


Retrouvez ci-dessous une vidéo de notre médiathèque illustrant chacun des exercices.

Tsugi-ashi : déplacements latéraux pas chassés
Tai-sabaki : quart de tour ou demi-tour face au partenaire en pas glissés
Hikidashi : se déplacer en reculant et en entraînant le partenaire (et en plaçant le corps)
Tendoku-renshu : Travail seul de placement de corps sur différentes techniques en « shadow judo »
Japan test : se déplacer latéralement en pas chassés en allant toucher un plot de part et d’autre pendant le temps imparti.