Une séance se compose le plus souvent d’une phase d’étude technique suivie d’une phase de Randori ou « exercice libre »
Force est de constater qu’il y a souvent un abîme entre ces deux phases. Lors de l’étude technique, les deux partenaires se tiennent droit, en garde fondamentale et se déplacent de manière synchronisée. En Randori c’est souvent l’inverse : le corps est cassé, et chacun pousse et tire à hue et à dia. Pourquoi pratique-t-on ainsi le Randori ?
La question peut paraître naïve et la réponse évidente ; parce qu’en Randori, on ne se laisse pas faire, tout simplement ! En Randori, il faut faire tomber et ne pas tomber soi-même. On adopte donc une attitude… Randori. C’est là à mon sens une grave erreur car une telle attitude, spécifique au Randori, n’existe pas, ou plutôt n’a aucune raison d’être. L’attitude requise pour pratiquer le Judo est simplement l’attitude Shizen-Tai (cf. séance Shizen-Tai) car elle permet à la fois l’attaque ET la défense.
J’aimerais insister sur l’aspect défensif car il est rarement enseigné. En effet, trop souvent, l’étude technique consiste à apprendre à placer des techniques, éventuellement les contrer, mais il est très rarement expliqué comment défendre ou plutôt comment « gérer » une attaque.
Cela explique pourquoi, lors des Randori, même si des consignes de modération du type « ne bloquez pas, laissez l’autre travailler » sont données, elles sont inapplicables si le professeur n’a pas préalablement enseigné comment réagir correctement à une attaque, c’est-à-dire comment la contrôler, l’annihiler ou s’en servir pour construire sa riposte.
L’exercice suivant est d’ailleurs révélateur à cet égard : si l’on prend 2 débutants en leur donnant comme consigne d’essayer de faire tomber leur partenaire sans tomber eux-mêmes, ils se saisissent à bras-le-corps et tentent de se soulever tout en mettant les fesses en arrière et en pliant les genoux pour ne pas être déséquilibré. Or, alors qu’après quelques cours l’attaque devient plus structurée Uke utilise et utilisera toujours la même défense si aucun enseignement ne vient la corriger. Or Uke dispose de nombreux moyens pour « gérer » (au sens large) une attaque :

  • La chute (cf. l’apprentissage de la chute) qui lui permet de ne pas ressentir d’appréhension face à une projection éventuelle.
  • Le contre, (Go-no-sen)
  • Tout ce qu’il est possible de faire avant ou pendant l’attaque :
    • La prise de Kumi-kata,
    • La posture et la répartition de son propre poids,
    • La position par rapport à Tori,
    • Le déplacement,
    • Le contrôle de l’attaque proprement dite : position Jigo-tai, esquiver, casser ou bien briser la force (cf. gestion d’une attaque),
    • L’attaque simultanée (Sen-no-sen).

Par exemple il existe environ dix façons de gérer une attaque en O-soto-gari, selon que l’on anticipe ou que l’on réagisse en Sen-no-sen ou Go-no-sen.

Pour conclure je pense que le message principal à faire passer est qu’il n’y a aucun risque à laisser TORI attaquer :

  • Parce qu’on ne se blesse pas lorsqu’on chute.
  • Parce que la probabilité que Tori soit capable de projeter son partenaire est très faible (je parle ici de la grande majorité des judokas et non des compétiteurs aguerris qui disposent d’un « spécial »). Pour s’en convaincre il suffit d’observer la pratique de Yaku-soku-geiko. Même avec un partenaire consentant beaucoup de techniques sont inopérantes et UKE sent bien que la moindre réaction parasite de sa part condamne l’attaque.
  • Parce que même si quelques rares techniques sont opérantes, UKE dispose de suffisamment
  • de moyen pour contrôler et exploiter à son avantage la plupart d’entre elles.
  • Parce que bloquer n’est pas la meilleure façon d’utiliser son énergie. À l’inverse, contrôler son partenaire sans peiner est un plaisir de fin gourmet qui, de plus, déstabilise l’adversaire.
  • Et enfin… parce qu’il faut bien chuter de temps en temps.

Aspect psychologique du Randori
Bloquer pour ne pas tomber revient à ne jamais traverser de rue de peur d’être renversé. Or, c’est bien connu, la peur n’évite pas le danger.
Même s’il ne faut jamais partir à l’attaque de façon irréfléchie, seule la prise de risque permet de mettre ippon, donc de progresser.
Le Randori nous enseigne donc comment, dans une situation donnée, il convient d’être vigilant, analyser les forces en présence, puis, lorsque les conditions sont réunies, s’engager totalement le plus rapidement et le plus efficacement possible.
Cet engagement peut ne pas aboutir, il peut même être sanctionné par un contre. Dans ce cas il suffit simplement de se relever et de réessayer. La victoire née de l’échec surmonté.

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